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“Des agrumes bio accessibles à tous, pas seulement à une élite !”

« Cette gamme nous permet de proposer un produit différent et d'affirmer notre image de producteurs », soulignent Sandrine et Frédéric Sérusier, dont l'entreprise, Agrumes de Méditerranée, est basée en Anjou.PHOTO : PASCAL FAYOLLE

À la tête de l'entreprise Agrumes de Méditerranée, à Tiercé (49), Sandrine et Frédéric Sérusier ont lancé une gamme bio. Ils sont les premiers en Europe à obtenir la certification AB (agriculture biologique) pour une production d'agrumes d'ornement. Objectifs : répondre à l'attente des consommateurs, aux besoins de valorisation de la production, et au souhait de protéger les personnes et l'environnement.

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Originaire d'Arras (62), Frédéric Sérusier se découvre la passion des agrumes en tant que chef de culture dans le sud de la France. Mais c'est finalement l'Anjou qu'il choisit pour installer son entreprise. La douceur angevine est favorable aux cultures. Plus encore, la position stratégique de la région est déterminante. Dans cette optique, Frédéric et Sandrine Sérusier achètent, en 1997, 3 000 m² de serres vétustes à Tiercé (49), à 30 km d'Angers. Une activité de négoce permet de lancer la société immédiatement, le temps que la production se mette en place. Aujourd'hui, le site comprend 10 000 m² de serres et 5 000 m² de pépinière extérieure. Au début, les cultures étaient menées de façon traditionnelle. « Quand nous nous sommes installés, nous n'avions pas besoin d'effectuer beaucoup de traitements phytosanitaires, mais au bout de cinq ou six ans sont apparus les cochenilles et pucerons, principaux problèmes phytosanitaires sur agrumes jusqu'ici. Puis, récemment, la mineuse », se souviennent Sandrine et Frédéric Sérusier. Pendant plusieurs années, un programme de suivi phytosanitaire a permis de contrôler la santé des végétaux. À partir de 2010, une réflexion marketing a été menée afin de mieux valoriser la production et les qualités des agrumes d'ornement pour le grand public. Ainsi a émergé l'idée de passer en mode de production biologique. Obtenue en juillet 2013, la certification AB a été le fruit de trois ans de travail : essais, observations, mise au point de nouvelles pratiques culturales. « La collaboration avec les équipes Ecocert et l'Inra de Corse, ainsi que le soutien de l'enseigne Truffaut, dès le début du projet, ont contribué fortement à sa réussite », précise le dirigeant.

Pour les cycles de culture rapides.

La démarche est réservée à de petits contenants, des pots de 3 et 5 litres, dont la rotation est rapide et sur lesquels il est plus aisé de se passer de traitements chimiques. Leur cycle de culture se fait sur 12 à 24 mois. Les jeunes plants d'agrumes sont rempotés au printemps et mis en culture immédiatement. Ils passeront l'hiver en repos végétatif dans les serres maintenues en hors gel. Les plantes qui ne sont pas vendues sont rempotées pour être commercialisées en plus gros sujets, mais elles quittent le cycle de culture biologique : leur suivi devient trop compliqué pour que l'opération reste intéressante d'un point de vue économique. Deux serres sont spécialement dédiées aux cultures bio. Plus que les problèmes phytosanitaires, c'est peut-être sur le suivi de la fertilisation que l'établissement a rencontré le plus de difficultés à résoudre pour passer au bio, car les agrumes sont des plantes gourmandes : « Avant, en conventionnel, nous utilisions un engrais à forte dose. C'est difficile de compenser de telles doses et, au début, nous avons eu des carences. Maintenant, nous avons recours à un engrais à base de vinasse de betteraves en surfaçage trois fois par an. S'y ajoute un arrosage quotidien comprenant un complément d'oligo-éléments. La recette est efficace, mais fertiliser les agrumes en bio coûte cher », précise Jérémy, chargé du suivi de ces cultures.

De l'humidité, de la taille et des traitements autorisés en bio.

Concernant les problèmes phytosanitaires sur cochenille et puceron (celui qui s'attaque aux agrumes peut présenter une quarantaine de cycles de reproduction par an !), les auxiliaires lâchés dans la serre s'avèrent souvent insuffisants. Il est nécessaire de compléter de temps à autre avec des traitements autorisés en bio. Sur acariens, l'augmentation de l'hygrométrie grâce à un fog system, couplée à des lâchers d'auxiliaires, donne un résultat correct. Enfin, la mineuse (un lépidoptère dont l'adulte ressemble à un gros aleurode) est combattue grâce à des traitements bio hebdomadaires au cours de la saison de végétation. Les tailles effectuées régulièrement en cours de culture permettent de détruire une part importante des feuilles minées. À noter que des lampes ont été installées pour capturer les lépidoptères, la nuit. Des panneaux noirs avaient été installés pour capturer des mineuses, mais ils n'étaient pas efficaces.

Quelques problèmes de tarsonèmes et de Phytophthora (qui pénètre les racines via des morsures de noctuelles) complètent la panoplie des problèmes phytosanitaires. Pour les autres étapes nécessaires à la mise au point de la culture, l'élaboration du substrat n'a pas été très simple à résoudre non plus. Il a fallu trouver un mélange comprenant moins de tourbe, mais restant performant en culture dans l'entreprise et chez le client, où la plante va rester, le plus souvent en pot, pendant plusieurs années. Un substrat plus riche en argile, rendant les éléments fertilisants moins lessivables, a été préparé.

L'an prochain, 90 % des surfaces cultivées en bio ?

Ces démarches ont permis à Agrumes de Méditerranée d'obtenir le label AB en 2013. Le fait de ne pas produire en contre-saison a compté dans cette attribution. Le passage au bio montre aussi que, parfois, une action banale peut poser des problèmes. Ainsi, les marques déposées par le calcaire sur les feuilles des plantes pouvaient jusqu'à l'année dernière être éliminées grâce aux huiles. Mais ces dernières ont été supprimées de la liste des produits autorisés. Une autre substance a été utilisée cette année, mais avec une efficacité moindre. Aujourd'hui, 45 % de la surface de production de l'entreprise (*) est reconnue par le label AB, un chiffre qui devrait doubler l'an prochain « pour atteindre 90 % des surfaces cultivées », prévoit Frédéric Sérusier. Avec cette gamme bio de 42 variétés (voir l'encadré) sélectionnées pour leur originalité et leur grande richesse en huiles essentielles, l'entreprise a clairement choisi de se démarquer sur un marché fortement concurrencé. « Cette palette nous permet non seulement de proposer un produit différent, mais aussi d'affirmer notre image de producteur », explique-t-il. Reste que l'ensemble de la démarche a dû être menée sans trop augmenter les coûts de production, le but étant de vendre des pots de 3 l à moins de 30 euros dans la jardinerie, soit un coût proche de celui des agrumes conventionnels « car nous voulions du bio accessible à tous et pas seulement à une élite », précise Frédéric Sérusier.

Pascal Fayolle

(*) La production est assurée par Sérusier horticulture qui écoule 15 % de ses plantes en direct, soit par des ventes sur place, soit par l'intermédiaire de son site internet. Le reste de la production est commercialisé en gros via Agrumes de Méditerranée, la structure de commercialisation. Agrumes de Méditerranée développe des partenariats fidèles auprès de producteurs du bassin méditerranéen, afin de proposer à ses clients (jardineries, grossistes, vépécistes et détail, en France et en Europe) une offre très complète d'agrumes, de bambous et de plantes méditerranéennes, assurant une qualité et un large choix tout au long de l'année.

La production bio utilise de petits contenants de 3 et 5 litres sur lesquels il est plus facile de se passer de traitements chimiques. Un espacement important entre les plants ralentit le développement des ravageurs.

PHOTO : PASCAL FAYOLLE

Deux serres sont spécialement dédiées aux cultures bio. Le fog permet de limiter le développement des acariens.

PHOTO : PASCAL FAYOLLE

La mineuse est combattue grâce à l'application de traitements bio hebdomadaires au cours de la saison de végétation. Par ailleurs, les tailles effectuées régulièrement permettent de détruire une part importante des feuilles minées.

PHOTO : PASCAL FAYOLLE

Avec sa gamme bio composée de quarante-deux variétés, sélectionnées pour leur originalité et pour leur grande richesse en huiles essentielles, la société Agrumes de Méditerranée a choisi de se démarquer sur un marché aujourd'hui fortement concurrencé.

PHOTO : AGRUMES DE MÉDITERRANÉE

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